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Lumière sur… Hugues Namur, Superviseur VFX

Dans cet article, nous mettons en lumière les équipes française et belge de MPC en leur posant dix questions sur leur parcours, leurs défis et les projets qui ont marqué leur carrière. Ils parlent de leurs réalisations et donnent des conseils à la nouvelle génération qui voudrait faire le même métier qu'eux.

TALENTS
December 5, 2023

C’est pendant l’été 2001, que Hugues Namur a été sollicité par MPC (ex Mikros VFX) pour sa première collaboration, débutant avec le film “Amen” de Costa Gavras, puis enchaînant directement avec la supervision du compositing de la séquence de la Grande Roue sur “Le Boulet” d’Alain Berbérian. 

En 23 ans de carrière, il a supervisé les effets visuels de plus de 85 projets de longs métrages et de séries, recevant plusieurs récompenses, dont deux GENIES Awards pour les meilleurs effets visuels dans les séries “Totems” et “Le Tour du Monde en 80 jours”.

Dans les années 90, la plupart des “départements 3D” dans les sociétés de post-production étaient de petite taille, et équiper une dizaine de postes était déjà très onéreux. Le responsable du département prenait le brief, établissait le devis, recrutait une équipe, organisait la fabrication tout en y participant, faisait valider les plans au client et rendait compte au final à la direction.

Évidemment, quand le projet comportait du tournage, il fallait s’y rendre pour s’assurer qu’on serait effectivement capable de truquer les plans. On a coutume de dire aujourd’hui que tout est possible en VFX et que ce n’est qu’une question de budget, mais ce n’était pas le cas à l’époque !

En 2004, Mikros s’est vu confier les effets d’un programme d’Arte assez particulier. Il s’agissait d’un opéra filmé en studio sur fond bleu/vert dont il fallait créer les décors et animer des personnages hybrides, à mi-chemin entre Méliès et Jean-Christophe Averty. Plus de 800 plans truqués pour 52 minutes d’effets à sortir, on n’avait encore jamais traité un projet de cette envergure et la supervision au tournage était intense avec beaucoup de tracking 3D, de rotoscopie, de chroma key.

Suite à cette expérience, on m’a proposé la supervision VFX d’un film d’époque ambitieux réalisé par Laurent Boutonnat, l’adaptation au cinéma de “Jacquou le Croquant” avec Gaspard Ulliel, tournage en Roumanie. Par ailleurs, suite au “Boulet”, Mikros travaillait régulièrement avec l’EST, la société montée par Christian Guillon et spécialisée dans la supervision VFX cinéma. Par la suite, j’ai alterné des supervisions générales et des supervisions en fabrication pour des films suivis au tournage par l’équipe de Christian.

J’ai plutôt l’impression que la mondialisation progressive de l’industrie des VFX tend à standardiser nos métiers. Cependant, il est vrai que la France attache une importance particulière à la liberté accordée aux réalisateurs, qui cultivent leur singularité. Certains sont très demandeurs de prévisualisations, d’autres sont réticents à réaliser un story-board, et d’autres encore s’accommodent des fonds verts ou détestent le studio.

Ici, la conception des VFX peut être fortement impactée par la personnalité du réalisateur et la qualité des relations qu’il entretient avec son producteur et son équipe, indépendamment des moyens alloués aux effets. Le superviseur VFX est souvent consulté dès l’étape du scénario, impliqué dans la préparation du tournage et présent jusqu’à la livraison des plans à l’étalonnage. Il sera même considéré comme un chef de poste à part entière si son budget est conséquent et sa présence au tournage permanente ou quasi-permanente, signe d’une contribution artistique décisive.

Mon rôle principal est donc d’établir un dialogue créatif avec un réalisateur et de traduire ses besoins en termes compréhensibles par une équipe d’artistes. Je m’efforce également de maintenir la confiance de tous en cherchant le meilleur compromis entre création, budget et faisabilité.

En studio, la journée commence souvent par une revue de plans en interne avec les superviseurs de département 2D/3D/assets. Selon les problématiques soulevées, des interventions ponctuelles auprès des artistes peuvent être nécessaires pour préciser un brief ou réfléchir sur la méthode. La pause déjeuner devient souvent un moment de veille technologique grâce aux échanges avec les collègues superviseurs. L’après-midi peut être consacrée à un point sur les jours consommés avec le producteur VFX du projet, ainsi qu’à l’évolution du planning de fabrication. La journée se termine par une revue des dernières versions des plans avec le réalisateur, dont les notes sont instantanément transmises à l’équipe.

En tournage, les horaires sont très variables, d’autant plus que la présence du superviseur n’est pas toujours requise à 100%. Généralement, la journée commence tôt pour profiter de la lumière. En arrivant sur le plateau, un tour du décor est effectué avec le réalisateur et l’équipe pour revoir le découpage et les positions de la caméra. Si certains plans ont été prévisualisés, c’est le moment de les montrer une dernière fois pour s’assurer que tout le monde a bien compris. En cas de problèmes ou de nouvelles demandes, c’est également le moment de réagir. Les équipes de tournage anticipent beaucoup, mais dans les faits, des décisions de dernière minute doivent souvent être prises en raison de divers imprévus tels qu’un accessoire qui ne fonctionne pas, un animal qui ne coopère pas, un mouvement de caméra trop difficile à mettre en place, ou des changements rapides de lumière entre différentes prises.

Sur les films comportant peu d’effets, le superviseur peut lui-même s’occuper de poser les éventuels marqueurs, de capturer les environnements, ou de prendre les mesures du décor ou des accessoires. Bien que certaines informations essentielles pour les tâches 3D se trouvent de plus en plus fréquemment incluses dans les métadonnées de la caméra, une base de données plan par plan est tout de même renseignée avec des notes détaillées et des images de référence. En fin de journée, le superviseur peut partir en repérage avec le réalisateur et le chef opérateur pour vérifier les décors des jours suivants, et/ou passer au bureau de production pour préparer les plans du lendemain.

Sans aucun doute, mon projet le plus récent, comme c’est souvent le cas ! L’Empire est une “comédie galactique”, selon les termes de la production, un projet à la fois fou et inclassable, mais visuellement très audacieux. En effet, met en scène l’affrontement de deux empires galactiques dans le ciel de la Côte d’Opale ! Faire entrer les effets de ce film dans une enveloppe praticable était déjà un défi en soi, mais les attentes en termes artistiques étaient également très élevées, avec un désir de sortir des codes du genre. Par exemple, quasiment tous les vaisseaux spatiaux, qu’ils soient intérieurs ou extérieurs, sont conçus à partir de décors existants. Pour moi, ce fut un travail de longue haleine, étalé sur quasiment trois ans entre les premières discussions et la livraison du dernier plan. Tout dans ce projet était atypique, mais les artistes étaient très enthousiastes et nous avons vécu de vrais bons moments.

En tant que superviseur, on est amené à dialoguer non seulement avec le réalisateur, mais également avec ce qu’on appelle les “chefs de postes” qui ont en charge la lumière, les couleurs, le décor, les costumes, les figurants, les accessoires, etc. Même le son et la musique ne nous sont pas étrangers ; certaines tâches d’animation ne peuvent se faire sans la bande-son. Donc, à l’évidence, il faut s’intéresser suffisamment à tous ces domaines pour travailler en bonne intelligence avec l’équipe d’un film. Mais ce n’est pas suffisant ; faire des VFX suppose aussi une capacité à observer le monde avec acuité. Selon les demandes et les sujets, on fait de l’architecture, de la botanique, de la dynamique des fluides, de l’astrophysique, de l’anatomie, de la mécanique, on plonge dans le passé ou on se projette dans le futur, on se documente sur l’agriculture extensive ou sur l’océanographie. Il faut être curieux de tout et aimer ça. Après, pour appréhender les outils logiciels, l’environnement technologique et apprendre à travailler en équipe, on a de très bonnes écoles en France. Maîtriser les codes sur un plateau de tournage, lire un scénario pour en extraire un cahier des charges, puis un devis, ces choses-là viennent avec le temps.

En fait, la phase d’étude est sans doute celle au cours de laquelle on a le plus de liberté pour s’exprimer. Quand on discute du scénario avec le réalisateur et son équipe, celui-ci nous délègue une part de la création de l’œuvre. Tout est encore possible, et on décide collectivement des moyens et du résultat attendu, de la pertinence par rapport à la narration, mais également par rapport à la personnalité du metteur en scène. Les recherches visuelles et les previz sont un moment très gratifiant de ce point de vue, tout en sachant que l’on forme des hypothèses et que les aléas du tournage viendront inévitablement altérer le plan établi. Ensuite, bien sûr, le tournage lui-même et la fabrication des images comportent leurs bons moments, mais ce moment où la réalité tente de contredire la théorie n’est pas toujours de tout repos.

J’y pense le moins souvent possible ; j’aime à croire que le meilleur reste à venir 🙂
Mais je pense tout de même à une série pour Prime Vidéo que j’ai supervisée pendant le COVID : Totems. La pandémie rendait les déplacements à l’étranger particulièrement difficiles, et les contaminations successives dans les équipes et parmi les comédiens obligeaient à une constante réécriture des épisodes pendant le tournage. On avait constamment de nouveaux problèmes à résoudre, et la fameuse phase d’étude se prolongeait au fil du tournage. Je suis très content de la reconstitution de Checkpoint Charlie en 1965 sur plusieurs séquences des deux premiers épisodes. Très documentée, prévizée d’après le story-board, tournée (quasiment) dans les conditions prévues, le fait que cette reconstitution a convaincu même des Berlinois est le meilleur compliment pour moi et pour les artistes.

Étrangement, les plus gros films comportent souvent un plan à problème qui se révèle, pour une raison ou une autre, plus compliqué à réaliser que les autres. Soit il n’a pas pu être tourné comme prévu, soit on n’arrive pas à comprendre ce que le réalisateur en attend, soit on inaugure une technique innovante avec trop peu d’expérience, soit – et dans ce cas, c’est terrible – plusieurs de ces conditions se trouvent réunies. J’ai plutôt un bon sommeil, heureusement 🙂

J’étais le plus jeune dans la salle quand j’ai vu le premier Star Wars à sa sortie en France. À l’époque, le cinéma de SF était considéré comme un truc d’adulte, sérieux et politique au premier degré. Je suis retourné voir le film deux ou trois fois dans la même semaine et après ça, je crois que je suis passé directement de Sesame Street à des revues comme Métal Hurlant ou Mad Movies qui parlaient beaucoup du cinéma d’effets spéciaux et d’animation.

Dans les années qui ont suivi, c’est certainement le travail de Douglas Trumbull qui m’a le plus marqué. J’étais fasciné par sa capacité à travailler sur les miniatures, la lumière, les effets optiques, le mouvement, et j’avais aussi beaucoup aimé Silent Running, son premier long métrage, autant sur le plan visuel que pour son propos visionnaire. Je l’ai rencontré brièvement à la fin d’une conférence à Paris il y a quelques années et je n’ai pas réussi à lui dire le dixième de ce qu’il représentait pour moi, évidemment. Il expliquait qu’on ne pouvait pas tout prévoir avec les effets optiques et qu’il avait beaucoup expérimenté pour provoquer des “accidents heureux”.

L’année dernière, j’ai passé quelques heures en studio à produire des flares avec un chef-opérateur, avec des sources lumineuses animées derrière des fentes de différentes tailles. On a fini par essayer une optique anamorphique qui nous a procuré un effet inattendu et qui a plu immédiatement au réalisateur. Ce jour-là, bien sûr, j’ai repensé à ce que disait Douglas Trumbull.

Je ne suis pas un inconditionnel de Christopher Nolan, mais j’aime beaucoup son évocation du monde des illusionnistes de la fin du XIXe siècle dans “Le Prestige”, et j’y vois un parallèle avec mon métier. Derrière le magicien, il y a un ingénieur qui conçoit les tours et éventuellement met en œuvre une science si innovante qu’elle confine au surnaturel. L’émergence rapide de l’IA dans nos métiers n’est pas loin de me rappeler ce que raconte ce film : une technologie de rupture dont on a du mal à évaluer les conséquences.

Aussi, j’ai vu Jungle Book en relief dans de bonnes conditions, et j’en ai gardé un souvenir inoubliable. L’image nous emmène au-delà de l’esthétique photographique ; la qualité immersive du film relève de la pure magie en ce qui me concerne.

Merci Hugues ! Vous voulez rejoindre nos équipes à Paris ? Postulez ici !

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